NAIROBI] Les producteurs de maïs à travers l’Afrique pourraient bientôt trouver un soulagement au sujet de la dévastation causée par la chenille légionnaire d’automne (CLA) suite aux résultats encourageants de l’utilisation d’ennemis naturels indigènes pour lutter contre ce ravageur.
L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) estime que la CLA fait perdre à l’Afrique jusqu’à 18 millions de tonnes de maïs par an, ce qui représente une perte économique allant jusqu’à 4,6 milliards de dollars.
Des chercheurs du Centre international de physiologie et d’écologie des insectes (ICIPE) ont identifié trois parasitoïdes ou espèces d’insectes indigènes dont les larves vivent comme des parasites qui finissent par tuer les hôtes. Les scientifiques ont noté des résultats prometteurs après leur libération massive dans des champs de maïs envahis par la chenille légionnaire d’automne au Kenya.
“Le fait que les ennemis naturels soient indigènes est avantageux car ils seront adaptés aux environnements locaux” estime Lilian Gichuru, Alliance pour une révolution verte en Afrique
« Les premières évaluations sur le terrain après la libération ont révélé que les taux de parasitisme sur la chenille légionnaire d’automne avaient augmenté de 55%, 50% et 38%, respectivement pour Trichogramma chilonis, Telenomus remuset Cotesia icipe », déclare l’ICIPE dans un communiqué publié le mois dernier. «Les parasitoïdes libérés agissent en synergie pour réduire la population de chenille légionnaire d’automne en attaquant différents stades de développement (œufs et larves) du ravageur. »
Selon le communiqué, au cours du dernier trimestre de 2020, les chercheurs de l’ICIPE et les partenaires nationaux au Kenya ont commencé à libérer 140 000 guêpes T. remus et T. chilonis qui parasitent les œufs de la CLA et 5 000 guêpes C. icipe qui parasitent les premiers stades larvaires de la chenille. Les activités de terrain ont été menées entre décembre 2020 et février 2021 dans cinq comtés : Taita-Taveta, Machakos, Embu, Meru et Nyeri.
Sevgan Subramanian, scientifique principal et responsable de la santéenvironnementale à l’ICIPE a déclaré à SciDev.Net qu’à la suite de l’expérience encourageante sur le terrain au Kenya, ils prévoient de produire et de libérer en masse ces parasitoïdes dans d’autres pays africains.
« Effectivement, préserver les ennemis naturels indigènes dans l’agroécosystème fait partie des meilleures options pour la gestion d’un ravageur, car ils sont déjà adaptés pour survivre dans les conditions écologiques qui prévalent et à lutter efficacement contre le ravageur», dit Sevgan Subramanian.
Mais il ajoute qu’une contrainte clé est le manque de capacité technique pour la reproduction des ennemis naturels dans divers pays.
La CLA se nourrit des feuilles, des tiges et des parties reproductrices de plus de 100 espèces végétales telles que le maïs, le riz, le sorgho et la canne à sucre, ainsi que d’autres cultures, notamment le chou, la betterave, l’arachide et le soja, les herbes de pâturage et le millet, causant des dommages importants aux plantes cultivées.
Les méthodes actuelles de contrôle de ce ravageur basées sur l’utilisation de pesticides synthétiques sont préjudiciables à la conservation des ennemis naturels indigènes et ont des effets négatifs sur la santé des agriculteurs, des consommateurs et de l’environnement, explique-t-il à SciDev.Net.
Il exhorte les producteurs de maïs et les décideurs agricoles à adopter des stratégies de gestion durable de la CLA telles que la promotion de systèmes de culture de maïs diversifiés.
Roger Day, responsable du programme Action on Invasives au Center for Agriculture and Biosciences International(CABI, la maison-mère de SciDev.Net), déclare qu’un problème clé est de savoir combien de parasitoïdes doivent être libérés pour contrôler la population de ravageurs.
« Par exemple, lors d’essais au Brésil, des rapports font état de la libération de 100 000 à 200 000 insectes par hectare. Ainsi, les travaux rapportés par ICIPE semblent être des travaux pilotes ou à petite échelle. C’est une première étape importante », ajoute-t-il.
La production de masse, la distribution et la libération de parasitoïdes au bon moment, explique Roger Day, n’est pas aussi facile que la distribution de pesticides, et cela peut être coûteux. Si le coût du contrôle est supérieur à la valeur de la réduction des pertes de récolte, dit-il, cela ne vaut pas la peine de le faire.
Il ajoute également qu’il est encore loin d’être clair si une telle libération massive peut être rentable en Afrique. Et, de son point de vue, si trois espèces de parasitoïdes sont libérées à la fois, cela rendra probablement l’approche plus coûteuse.
Lilian Gichuru, chargée de programme associée à l’Alliance pour une révolution verte en Afrique, se félicite des résultats encourageants obtenus au Kenya.
« Le fait que les ennemis naturels soient indigènes est avantageux car ils seront adaptés aux environnements locaux pour prospérer et se multiplier et contrôler naturellement la chenille légionnaire d’automne », dit-elle.
Lilian Gichuru appelle à mettre en place des programmes pour éduquer les communautés agricoles sur ces options de lutte non chimiques dans le cadre des activités de lutte antiparasitaire, et montrer aux agriculteurs que bien que les ennemis naturels n’offrent pas un « effet destructeur » rapide, ils peuvent supprimer les populations de ravageurs à des niveaux gérables.
SCIDEV.NET