Alhousseiny Diallo est le Directeur général de Salambandé Agro Industries, société qui évolue dans le secteur de l’élevage en Guinée depuis 2015. Il est en même temps importateur de produits vétérinaires. Aventurier, il a sillonné plusieurs pays à travers le monde, notamment l’Angola où il a passé 14 ans. En 2015, il décide de tout abandonner pour rentrer au bercail pour investir. Le samedi 15 janvier 2022, dans la sous-préfecture de Wonkifong, à Coyah, Alhousseiny Diallo procède à l’inauguration officielle d’un couvoir industriel. L’aboutissement d’un long parcours. Votre quotidien agricole l’a rencontré à son siège. Entretien. Lisez !
AGRONEWS : racontez-nous vos débuts ?
Pour commencer, j’ai acheté des tracteurs d’abord pour faire l’agriculture. J’ai débarqué à Boké mais je voyais que le secteur agricole n’était pas bien organisé. Imaginer avec un champ tu va faire près d’une année d’attente. C’est-à-dire, tu cultive en avril et tu récolte en décembre. J’ai vu que je ne pouvais pas évoluer dans l’agriculture avec ce système-là. J’ai alors décidé de me lancer dans l’aviculture. J’ai donc loué des fermes avicoles. Chemin faisant, j’ai constaté qu’on avait des difficultés d’approvisionnement en produits vétérinaires. Je me suis rapproché des services compétents du ministère de l’élevage pour obtenir un agrément pour pouvoir importer ces produits-là. Entre 2015-2016, j’ai commencé à importer ces produits, aujourd’hui nous couvrons tout le pays en produits vétérinaires. C’est par la suite que j’ai pu réaliser mes projets de fermes à poules pondeuses en partenariat avec des marocains qui étaient venus en Guinée dans le but d’accompagner le pays dans le secteur avicole. Ensuite on a créé une association des producteurs de viande de volaille, ce qui a permis avec les marocains de former une centaine de personnes spécifiquement en technique de production de viande de volaille tant en Guinée qu’au Maroc.
AGRONEWS : quels sont vos rapports de partenariat avec le Maroc ?
Il faut savoir que les partenaires Marocains avec lesquels je collabore ont des appuis américains, notamment une ONG qui regroupe tous les grands producteurs de maïs au monde. Vous n’êtes pas sans savoir que les Etats Unis sont les plus grands producteurs de maïs au monde, mais en général ce sont les numéro Un, au monde sur le plan agricole. Que ce soit le blé, le maïs, le soja, ce sont les premiers producteurs au monde, mais aussi en ce qui concerne la viande volaille. Ils financent le Maroc pour aider à accompagner les africains dans la formation et le renforcement de capacité et nous et nos membres, nous bénéficions de ces formations-là. Le Maroc nous inspire beaucoup pour faire évoluer l’agriculture guinéenne. Pour ce qui est de l’Etat, nous attendons toujours qu’il fasse de même en nous accompagnant dans un partenariat public-privé pour faire avancer l’agriculture guinéenne au même titre que le Maroc.
AGRONEWS : Aujourd’hui quel est le niveau d’évolution de vos activités ?
Sur le terrain, on a de sérieuses difficultés parce que tout dernièrement, l’Etat a autorisé l’importation des œufs et depuis fort longtemps on importe des poulets congelés. Vous n’êtes pas sans savoir que les poulets qu’ils importent de l’étranger, ne sont pas destinés à la consommation. Ce sont des poulets de productions d’oeufs, c’est à l’occasion des changements de bandes qu’ils évacuent ces poulets et malheureusement avec la défaillance de notre système de contrôle qualité, des importateurs indélicats se permettent de ravitailler le marché guinéen avec des poulets congelés impropres à la consommation. D’ailleurs, la Guinée est l’un des rares pays en Afrique de l’ouest qui importent encore des poulets congelés. Essayer de voir en Côte d’Ivoire, au Sénégal, au Mali, aujourd’hui ils sont autosuffisants en protéines animales, concernant les poulets de chair et les œufs et ça crée beaucoup d’emplois. En Côte d’ivoire par exemple, ils ont créé plus de 50 miles emplois rien que dans la filière avicole, pourquoi pas en Guinée ? nous pouvons le faire, c’est possible.
Nous disons aux nouvelles autorités que nous pouvons créer jusqu’à 50 miles emploies directes et 20 miles indirectes dans ces secteurs-là. La situation nutritionnelle des Guinéens nous inquiète beaucoup parce qu’elle n’est basée que sur le riz, or l’organisme a besoin des protéines nécessaires pour se développer. Quand on parle des Etats Unis, ce n’est pas un miracle, c’est le travail. En Afrique, le Maroc est le deuxième producteur de viande de volaille, ils produisent 10 millions de tonnes de viande chaire par semaine grâce à l’accompagnement de l’Etat marocain dans le secteur. Les producteurs marocains ont tout l’accompagnement nécessaire pour se développer, ils ont à leur disposition des banques agricoles, l’Etat met tous les moyens pour les aider à produire localement. Nous, nous avons toutes les difficultés du monde à nous en sortir. Notre objectif, c’est de vraiment arriver au niveau de la Côte d’ivoire et du Sénégal.
AGRONEWS : malgré tous les obstacles, qu’est-ce qui vous a motivé à bâtir le couvoir agro-industriel de Coyah ?
La motivation vient du fait que les poussins que les aviculteurs élèvent ici sont importés de l’Europe. Donc je me suis dit, au lieu que nous soyons dépendant, nous pouvons aussi produire localement ce que nous consommons et consommer ce que nous produisons. C’est ce qui m’a motivé à mettre en place le couvoir et on ne peut pas développer l’aviculture sans ce dispositif qui est un maillon indispensable de la chaîne avicole pour avoir un approvisionnement normal en poussin. Il faut aussi savoir que l’aviculture englobe plusieurs secteurs. Notamment l’enseignement technique dont les écoles nationales de l’aviculture et de l’élevage forment des techniciens qui retournent pour la plupart à l’aviculture; il y a l’institut de Dalaba qui forment des vétérinaires et ceux-là également reviennent dans l’aviculture; les producteurs de maïs sont nos partenaires pour nous permettre d’être suffisamment approvisionné en mais, nous avons besoin de 80 milles tonnes par an; nous avons aussi besoin du secteur de la pêche; du riz; de l’arachide et tout ça crée des emplois indirects qui tournent autour du secteur avicole. C’est ce qui nous a motivé à créer nos propres débouchés au lieu de dépendre totalement de l’étranger. Nous-même les locaux, nous pouvons investir. Aujourd’hui, nous avons toute l’expérience et l’expertise nécessaire pour la production dans le secteur avicole, mais j’ai comme l’impression ne suit pas l’évolution des entrepreneurs locaux afin de s’appuyer sur eux pour faire avancer l’agriculture guinéenne.
AGRONEWS : quelle est la capacité de votre couvoir et les projections ?
Notre couvoir a une capacité de 4 millions 536 milles poussins par an. Nous avons prévu une extension pour produire plus de 15 millions de poussins par an. Si nous produisons ça en chair, ça peut aller jusqu’à 30 millions de tonnes de viande volaille par an. Aujourd’hui, nous importons près de 40 milles tonnes de volaille par an, cela veut dire que la quantité importée peut être produite localement. Nous allons augmenter la capacité de production en fonction de la demande et des besoins de façon progressive. Là déjà, l’infrastructure est sur place, nous allons essayer d’importer les machines pour étendre le site, donc nous attendons qu’il y ait des commandes parce que nous produisons en fonction des commandes.
Entretien réalisé par Mamadou Aliou DIALLO pour AGRONEWS GUINÉE
Tel: 623 69 58 01