Le milliardaire nigérian Aliko Dangote vient d’inaugurer la plus grande usine de fertilisants d’Afrique. Dans les pays du G4 africain, l’agriculture semble être l’une priorités. Explications.
Le secteur agricole frétille en Algérie, au Nigéria, en Afrique du Sud et en Ethiopie. Les quatre pays ont décidé récemment de lancer le le G4 africain, et semblent se diriger vers un développement express de l’agriculture, dont la pierre angulaire serait la production d’engrais.
Si l’on spéculait sur les raisons des investissements colossaux dans des unités de production d’engrais en Algérie, une sortie du président algérien Abdelmadjid Tebboune a mis en lumière l’importance de l’agriculture dans sa vision du futur : « Nous avons de très très grands projets structurants pour le pays, le premier projet est agricole. Avec un pays aussi vaste, on peut servir l’Afrique en matière de grain, on peut le faire. On peut produire 30 millions de tonnes, nous avons besoin de 9 millions et pouvons exporter 21 millions », a déclaré le président algérien.
Une annonce du chef de l’Etat algérien qui intervient à peine quelques jours après le lancement de l’Algerien Chinese Fertilizers Company (ACFC). Un projet de 7 milliards de dollars dans lequel l’Algérie détient 56 % des parts et qui décuplera la production d’engrais.
La même semaine, l’homme le plus riche d’Afrique, le magnat du ciment nigérian Aliko Dangote a lancé son usine d’engrais à Lagos. La plus grande d’Afrique, seconde dans le monde. Une usine bâtie presque secrètement et inaugurée conjointement par Dangote et le président du Nigéria Muhammadu Buhari. Ce dernier affirme que les investissements du groupe Dangote « dans la production du ciment avaient mis fin à la dépendance du Nigéria dans les importations. Je crois que cet exploit sera répété dans le secteur des engrais ». Des ambitions, donc. Et des moyens.
Le G4, une alliance de circonstance ?
Pourtant, au Nigéria et en Algérie — surtout —, l’engrais n’est pas réellement un enjeu économique à court terme. En Algérie, par exemple, c’est surtout l’élevage des bovins et la production laitière qui souffrent, mais dans toutes les autres productions agricoles, le pays est remarquablement autosuffisant.
Idem au Nigéria, où l’agriculture emploie 37 % de la main-d’œuvre nationale, et où, malgré les larges importations de blé par exemple, la majorité des produits agricoles sont interdits à l’import, tant le pays en produit. A l’instar du maïs, des huiles végétales, des viandes, des légumes et des fruits qui sont plutôt exportés.
Alors, pourquoi les deux géants africains commencent à produire de l’engrais en excédent ? Alger et Abuja sont deux des quatre pays du nouveau G4. Le groupement d’influence africain, formé en février dernier, accueille aussi l’Afrique du Sud et l’Ethiopie, tous les deux en manque cruel d’engrais. Une coopération intra-G4 semble donc prévue.
Le développement agricole dans ces pays tombe à pic avec les conséquences économiques du conflit russo-ukrainien. L’Afrique du Sud, qui importait 60 % de ses engrais de Russie en 2021, cherche sans doute des partenaires fiables. Et l’Ethiopie, qui dans son agenda compte arrêter complètement les importations de produits agricoles en 2023 et d’engrais en 2022, veut investir pour créer 500 000 hectares de terres cultivables.
Seulement voilà, si chacun des gouvernements des pays du G4 africain a, de son côté, annoncé des grands projets agricoles au niveau national, rien n’est gravé dans le marbre quant à un investissement collectif. Mais force est de constater qu’en Ethiopie également, c’est surtout l’importation des technologies de production d’engrais qui a augmenté de 272 % lors du premier trimestre 2022.
Un « pouvoir agricole » qui ferait des gagnants… et des perdants
Une direction commune des quatre pays du bloc, bien avant le sommet du G4 prévu dans les mois à venir. Un effort vers l’indépendance des importations dans le secteur agricole qui interroge. Et si l’agriculture était le joker de ces pays africains alors que la géopolitique mondiale est bouleversée pour les années à venir ?
Tout à fait plausible. Le G4 est surtout destiné à faire bouger les lignes au sein de l’Union africaine (UA), et à imposer une voix plus souveraine des Etats africains dans les dossiers continentaux et extracontinentaux.
Difficile en tout cas de deviner ce qui se trame entre Abdelmadjid Tebboune, Abiy Ahmed, Muhammadu buhari et Cyril Ramaphosa. L’influence étrangère en Afrique risque d’en pâtir en cas de renforcement de l’influence du G4 — le coup d’arrêt aux importations russes et ukrainiennes de grain a grandement touché les pays africains.
L’Europe et les Etats-Unis ne semblent pas prompts à soutenir réellement l’Afrique en cas de crise alimentaire grave. Et d’autres pays africains risquent de voir leur influence, basée sur d’autres secteurs moins vitaux comme l’armement, les énergies, les hydrocarbures et l’influence diplomatique et culturelle pro-occidentale, diminuer. Ce serait le cas, par exemple, du Maroc, du Rwanda, du Sénégal, de l’Egypte et de la Côte d’Ivoire.
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